Le fascia : au cœur de nos émotions, de notre immunité et de notre santé

Les recherches récentes montrent que le fascia – ce tissu conjonctif qui entoure tous nos organes et muscles – est bien plus qu’un simple support mécanique. Il est richement innervé, principalement par le système nerveux autonome, en particulier les fibres sympathiques. Une étude de Carla Stecco et ses collègues a confirmé que même les couches superficielles du fascia sont densément pourvues en nerfs sensoriels, ce qui en fait un véritable organe sensoriel à part entière (Stecco et al., 2022).

Mais ce qui est encore plus fascinant, c’est la découverte que ce réseau nerveux sympathique joue un rôle actif dans la régulation du tonus musculaire, de la microcirculation et probablement aussi de notre posture. L’équipe de recherche de Schleip a montré que les myofibroblastes, des cellules contractiles présentes dans le fascia, peuvent répondre à certaines molécules chimiques de stress, notamment la cytokine TGF-β1, en se contractant très lentement et durablement (Hinz et al., 2007).

« « Le fascia est le tissu qui relie tous les aspects de notre être — physique, émotionnel et énergétique. »
— Dr Thomas Myers« 

En parallèle, des expériences sur les animaux ont révélé un lien clair entre stress émotionnel chronique et sensibilité accrue à la douleur. Une étude sur des rats soumis à un stress modéré mais répété a montré une augmentation significative de leur sensibilité à la pression mécanique – un phénomène appelé « wind-up » (Green et al., 2009).

Avancées et gestion

Chez l’humain, ces résultats ont été confirmés dans une étude menée par l’équipe du Pr Mense, qui a évalué la sensibilité à la pression chez des patients souffrant de lombalgie ayant déclaré un stress émotionnel important durant l’enfance. Là aussi, le « wind-up » et la douleur à la pression étaient significativement accrus.

Quant au lien entre posture et émotions, il a été popularisé par l’étude controversée d’Amy Cuddy en 2010 sur le « power posing », montrant un effet hormonal de certaines postures corporelles (Cuddy et al., 2010). Toutefois, une méta-analyse plus récente et rigoureuse publiée en 2021 par Griffin et al. a confirmé que si les postures « fermées » affectent clairement l’humeur, l’impact des postures « ouvertes » est plus modéré mais bien réel (Griffin et al., 2021).

Enfin, des recherches en psycho-neuro-immunologie montrent que le stress chronique peut perturber l’équilibre immunitaire via le nerf vague et favoriser la libération de TGF-β1, contribuant à la rigidité des fascias. Cela ouvre des pistes très sérieuses dans la compréhension de maladies comme la fibromyalgie, où l’on a récemment démontré une densité réduite de fibres nerveuses sympathiques dans le tissu conjonctif de patients atteints de cette pathologie.

Conseils pour prendre soin de ses fascias, de ses émotions et de son immunité

Bougez régulièrement, mais en douceur

Le fascia a besoin de mouvement pour éviter la rigidité et l’inflammation. Il ne s’agit pas forcément de sport intense : la marche, le yoga, les étirements doux ou même des gestes lents comme ceux du tai chi peuvent suffire à entretenir la fluidité du corps.

Soyez attentif à vos postures quotidiennes

La façon dont on se tient influence directement nos émotions. Une posture « fermée » peut favoriser des émotions négatives, tandis qu’une posture « ouverte » (dos droit, épaules détendues, regard droit) peut soutenir une sensation de confiance et de bien-être.

Prenez conscience de votre respiration

La respiration profonde stimule le nerf vague, qui joue un rôle clé dans la régulation du stress et de l’inflammation. Quelques minutes de respiration lente et abdominale chaque jour peuvent apaiser le système nerveux autonome.

Privilégiez des auto-massages doux ou des soins corporels respectueux

Évitez les manipulations trop vigoureuses ou les appareils qui pourraient agresser vos tissus. Un toucher doux, avec chaleur et attention, suffit souvent à « réveiller » les tissus sans les brusquer.

Limitez le stress chronique autant que possible

Un stress prolongé influence le fascia, le système immunitaire, et peut entretenir ou aggraver la douleur chronique. Identifiez vos sources de stress, et explorez les pratiques qui vous aident : sophrologie, thérapie, marche en nature, rituels apaisants…

Hydratez-vous régulièrement

Les fascias ont besoin d’eau pour conserver leur élasticité. Une bonne hydratation aide aussi à « nettoyer » les tissus conjonctifs et soutenir la circulation des fluides interstitiels.

Dormez suffisamment

Le sommeil est essentiel à la régulation du système nerveux autonome et du système immunitaire. Une mauvaise qualité de sommeil peut perturber l’équilibre de l’ensemble de votre corps.

En cas de douleurs chroniques ou de fatigue inexpliquée, ne négligez pas le fascia

Parlez-en avec un professionnel de santé formé aux troubles myofasciaux ou aux liens entre le stress, les émotions, et les douleurs. Certaines approches manuelles, nerveuses ou globales peuvent compléter les traitements médicaux.

ce qu’il faut retenir

  • Le fascia est un organe sensoriel à part entière, richement innervé, en lien étroit avec le système nerveux autonome, en particulier les fibres sympathiques.
  • Le stress chronique influence directement le fascia, via des médiateurs comme le TGF-β1, induisant une contraction durable des myofibroblastes et une rigidification tissulaire.
  • Le fascia est un carrefour entre émotions, douleur et posture, jouant un rôle clé dans la modulation de la sensibilité corporelle et des troubles musculo-squelettiques.
  • Les pathologies comme la fibromyalgie illustrent cette interaction complexe, avec des anomalies objectivées du tissu conjonctif et de son innervation.

 

Dr Nabila

- Médecin anesthésiste - Spécialiste de la douleur

- Médecin anesthésiste - Spécialiste de la douleur

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